Rénovation de Gadagne
Au moment où le site historique de Lyon est inscrit, en 1998, au Patrimoine mondial de l’Humanité, Gadagne fait pâle figure. Une rénovation et une restructuration de grande ampleur devaient être envisagées.
En 1998, le bâtiment et la muséographie sont en effet vétustes, certains espaces inaccessibles, le parcours de visite peu cohérent, la sécurité de visite et les conditions de conservation des œuvres obsolètes.
La Ville de Lyon approuve alors l’opération de restructuration de Gadagne. Une convention est signée avec l’État qui apporte son soutien financier au projet.
Prouesses architecturales
S’appuyant sur un nouveau projet scientifique et culturel, la restauration donne une cohérence au site et une véritable visibilité aux deux collections que l’édifice abrite.
Le programme de rénovation est ambitieux.
- Fouilles archéologiques pour retrouver l’histoire du site, les vestiges de jardins d’agrément du 17e siècle ou les décors d’origine.
- Agrandissement du site en aménageant des parties non-exploitées ou en créant de nouveaux espaces tout en respectant l’édifice existant.
- Optimisation de la circulation avec la création de cinq ascenseurs et la construction d’un escalier monumental dans un espace entièrement gagné sur la colline.
A quatre mains
Vu l'importance du projet de réhabilitation, un concours européen est lancé pour choisir l'architecte muséographe qui redonnera vie à Gadagne. Le 18 janvier 1999, le choix se porte sur le projet présenté par l'équipe conduite par le cabinet Bizouard - Pin.
En parallèle, Didier Repellin, architecte en chef des monuments historiques élabore la partie du projet relative à la rénovation du bâtiment classé monument historique.
La rénovation en chiffres
La restauration aura nécessité dix années de travaux et engagé 30 millions d’euros. La surface utile des musées passe de 3500 m2 à 6300 m2.
Avant la rénovation...
Le visiteur pénètre dans un bâtiment dont l’architecture remarquable est en partie occultée.
A partir du 19e siècle, de multiples interventions, effectuées sans souci du respect architectural de l’édifice ont fini par défigurer complètement cet ensemble : consolidations maladroites sur les poutres, les escaliers, les encadrements de fenêtres, création ou remaniement d'ouvertures pour aménager les circuits de visite, modification des niveaux d’origine des sols par la création de planchers...
D'autre part, une partie du bâtiment, non accessible au public, n’a jamais été restaurée et a continué à se dégrader pendant plusieurs décennies. C’est le cas notamment du bâtiment donnant sur le jardin qui accueille aujourd'hui le café Gadagne.
Quant aux réserves, elles sont disséminées dans tout le bâtiment et n’ont jamais reçu d’aménagement spécifique.
Les fouilles : Gadagne révèle ses secrets
Dès le lancement du projet, un ambitieux programme de recherches archéologiques et historiques ausculte l’ensemble Gadagne.
Ces différentes investigations coordonnées par le service archéologique de la Ville de Lyon s’étagent de 1997 à 2004, au rythme du chantier de rénovation.
Pour établir le bilan documentaire et sanitaire de l’édifice, l’historienne Sophie Savay-Guerraz de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives se plonge dans l’analyse des archives et l’examen des rares sources iconographiques.
62 sondages effectués à tous les niveaux du bâtiment complètent cette étude. Les résultats révèlent les traces de nombreuses ouvertures et témoignent de la manière dont les bâtiments ont évolué et été remaniés. Quelques vestiges de peintures murales des 16e, 17e et 19e siècles sont retrouvés.
Dirigée par Christine Becker (Ville de Lyon), la fouille archéologique de la grande cour couvre environ 136 m² et se déroule sur trois périodes.
La dernière phase révèle une succession des couches géologiques sur 6 m d’épaisseur qui témoigne d’une occupation du site de l’antiquité (-76 av. J.-C.) à l’époque médiévale. Ces recherches sont ensuite complétées par l’analyse approfondie des objets collectés : céramiques, monnaies, fragments de sculptures…
Parallèlement, des fouilles spécifiques sont entreprises dans les jardins suspendus (environ 682 m²). Archéologue spécialiste, Anne Allimant étudie les couches superficielles des sols pour retrouver la configuration ancienne du jardin. 13 sondages profonds lui permettent d’appréhender le sous-sol du jardin.
L'art de restaurer un monument historique
Si la qualité d’une restauration s’apprécie au regard des détails, elle s’appuie toujours sur une bonne compréhension de l’histoire du bâtiment.
Sur la base de l’analyse documentaire de l’édifice menée en amont, le parti pris des architectes est de faire table rase des bricolages antérieurs. L'objectif est de revenir à la structure originelle des différents bâtiments composant l’Ensemble.
Dans cet esprit, ils optent pour une variation de la teinte des enduits extérieurs afin de permettre une lecture chronologique de cette mise en place du bâti. Ainsi, le brique et l’ocre se côtoient-ils dans la grande cour.
Ils jonglent également avec la complexité topographique des lieux (dénivelé de 19 m entre les jardins et la rue Gadagne) ou les différences de niveaux entre deux salles adjacentes tout en préservant la cohérence du parcours de visite.
Restaurer un monument historique aussi complexe que Gadagne c’est aimer relever les défis ou en tout cas savoir optimiser les contraintes !
Selon l’état du bâtiment, le niveau d’intervention des architectes varie : consolidation, restauration, réhabilitation ou rénovation.
Certains décors d’origines ont pu être restaurés. Ce fut le cas pour les enduits des salles remarquables du 17e ou pour les décors exotiques du 19e dans la salle du pilier dite des sonneurs de trompe.
En l’absence de traces, les décors perdus ne furent pas réinventés. L’esprit du bâtiment fut cependant maintenu par l’utilisation de techniques anciennes ou de savoir-faire artisanaux. Les espaces anciens sont revêtus de matériaux traditionnels : terre cuite au sol, enduit à la chaux, plafonds peints à la française, pierres taillées par des compagnons.
Agrandir le site
Grâce à la rénovation, la surface utile passe de 3500 m² à 6300m². Tout en respectant l’édifice existant, les architectes imaginent plusieurs solutions pour aménager ou créer de nouveaux espaces.
La plus audacieuse est sans contexte l’espace gagné en creusant la colline de Fourvière. Gadagne étant un monument historique, il était en effet impossible d’ajouter une extension par les toits ou les façades extérieures. 7 000 m3 de terre ont dû être évacués pour construire un vaste escalier desservant tous les niveaux. Dans le même esprit, la grande cour est creusée pour aménager un espace d’expositions temporaires et des locaux techniques.
Les architectes créent également des salles d’exposition permanente en aménageant des parties non exploitées du site (1000 m²), des caves et des sous-sols.
Enfin, de nouveaux bâtiments dont le 8 rue Gadagne sont annexés (2000 m²) pour abriter les collections et les services.
Résultat ? De nouveaux espaces sont imaginés afin de faciliter et de rendre plus agréable la visite du public : accueil, petit théâtre (150 places), centre de documentation, café, boutique, jardins en terrasse (700 m2) et ateliers pédagogiques.
Ces nouveaux espaces se revendiquent comme tels : béton teinté au sol, béton brut et tirants d’acier aux murs, métal brossé et verre aux façades. Ce traitement contemporain ainsi que le respect des décors et volumes d’origine permettent une lecture aisée de l’histoire du site.
Mettre aux normes
S’appuyant sur les nouvelles technologies, le chantier de rénovation permet une mise aux normes de l’ensemble du bâtiment.
Intégrer une technologie de pointe
Respectant la configuration du monument historique et les œuvres des collections, des sols chauffants et réfrigérants ont été posés. Également invisibles pour le visiteur, des pièges à son insonorisent la nouvelle soufflerie de la climatisation et les dispositifs multimédias sont centralisés.
Agrandir et aménager les réserves
L'agrandissement et l'aménagement des réserves offres désormais un stockage et une conservation optimale de chaque typologie d'œuvre.
Optimiser l'accessibilité
Cinq ascenseurs ont été créés et parfaitement intégrés dans le site. Une véritable prouesse dans un tel bâtiment ! Un visiteur à mobilité réduite peut désormais effectuer le même parcours que les autres visiteurs.
Ces ascenseurs permettent également d’acheminer les œuvres dans de meilleures conditions.
Sécuriser le bâtiment
La sécurité des visiteurs et des œuvres est renforcée grâce à la création d’un poste de sécurité et de surveillance incendie.
Les acteurs de la rénovation
Que faut-il pour rénover un musée ?
Avec son équipe, le conservateur en chef conçoit le projet scientifique et culturel du musée, écrit le discours scientifique et bâtit le parcours muséographique. Il choisit les objets qui sont présentés, travaille avec les universitaires et les chercheurs. Il coordonne la politique d’actions proposées aux publics. Il conçoit la stratégie de communication de l'institution vers tous les publics.
Les archéologues fouillent le sol, explorent la construction existante et racontent l’histoire du site.
L’architecte muséographe imagine et dessine la répartition des espaces dans le bâtiment ainsi que les nouveaux espaces ; l’architecte en chef des monuments historiques élabore la rénovation des bâtiments classés et s’assure que les travaux en respectent l’histoire. Tous deux suivent l’avancée des travaux : ils assurent la maîtrise d’œuvre.
Les ingénieurs calculent la mise en œuvre du projet de l’architecte en termes de stabilité, de faisabilité. Ils suivent le chantier avec lui.
Ce sont les ouvriers qui réalisent les travaux : issus de nombreuses entreprises et métiers, leurs savoirs faire sont multiples et parfois très pointus. Une trentaine d'entreprises a travaillé à la rénovation de Gadagne.
Les techniciens des collections manipulent les collections, les inventorient, veillent à leur restauration et les mettent en place dans le musée rénové.