Pain du siège de Lyon
Le Pain du siège de Lyon, inv. SN 14, 1793
Ce petit morceau de pain noirci est bien plus qu’un simple souvenir d’un épisode douloureux de la Révolution à Lyon. Posé sur son socle de bois, c’est une véritable relique qui condense l’imaginaire symbolique de la souffrance des Lyonnais durant le siège de la ville à l’été 1793.
À Lyon, la Révolution se heurte rapidement aux partisans de l’Ancien Régime. Les aristocrates tiennent la ville jusqu’à la prise de l’Arsenal en 1790. Imbert-Colomès, leur chef, doit s’enfuir face à l’alliance du petit peuple et des bourgeois. Lyon prend la tête du mouvement fédéraliste, qui ne reconnaît pas le pouvoir central de Paris. Lorsque Joseph Chalier, proche des Jacobins parisiens est guillotiné le 16 juillet 1793, le divorce avec Paris s’amorce et Lyon devient une ville contre-révolutionnaire aux yeux de la Convention.
Paris ne peut tolérer cette rébellion. Le 12 juillet 1793, la Convention nationale déclare Lyon « en état de rébellion contre l’autorité nationale ». Les troupes républicaines encerclent Lyon à partir du 10 août et bombardent la ville le 22 août. Les rebelles lyonnais ne se rendent pas pour autant et au cours du mois de septembre, la disette s’abat sur la ville.
Bien que les voies n’aient pas été complètement coupées et que les vivres aient continué à rentrer dans la ville, ce morceau de pain témoigne du souvenir traumatique laissé par cet épisode sur la ville et ses habitants.
Le pain du siège est en fait un objet d’histoire, une incarnation de la légende de ce siège telle qu’elle est véhiculée par les collectionneurs au début du 19e siècle. Car le socle en bois est lui daté de 1830. C’est Louis-Sébastien Rosaz (1777-1849), lyonnais d’origine modeste tour à tour chapelier, comptable et arbitre de commerce, qui a collecté ce morceau de pain et imaginé ce petit présentoir. Collectionneur passionné de son temps, c’est avec une grande intuition qu’il a rassemblé des centaines objets et d’archives en relation avec les évènements politiques dont il a été témoin tout au long de sa vie à Lyon. Conscient de sa valeur historique, Rosaz imagine un véritable musée lyonnais autour de sa collection et la vend à la ville en 1847. Elle est d’abord déposée au Palais Saint-Pierre, puis intégrée au musée Gadagne lors de son ouverture, en 1921.